lundi 24 janvier 2011

le compte-rendu du cafe philo du 18 janvier 2011

L'homme doit – il dominer la nature?


Précision liminaire: Ce compte rendu n'a pas la prétention de retracer de manière exhaustive toutes les idées qui ont été exprimées. Et , évidemment, il est loin d'épuiser les nombreuses problématiques soulevées par le thème.


Introduction: Il s'agit d'un thème qui, pour être philosophique, n'en est pas moins d'actualité.

Réchauffement climatique, épuisement des ressources naturelles, manipulations génétiques, OGM etc...

Certains, de plus en plus nombreux, préconisent un développement durable, une décroissance ou un changement radical des modes de vie et de consommation.


Quels sont,,selon vous, les bienfaits qu'a apportés l'action de l'homme sur la nature?


Débat 15 minutes

Les sciences et les techniques modernes confèrent à l'homme une maîtrise incomparable de la nature.
Les progrès et domaines étant cumulatifs, il paraît n'y avoir de limites que provisoires à l'appropriation du monde par l'homme.

L'homme est faible et démuni et n'a pas les mêmes systèmes de défense que les animaux .

Dans la mythologie grecque, Prométhée compense l'erreur de son frère Epiméthée qui avait donné aux animaux au détriment de l'espèce humaine les dons les plus importants: force, rapidité, courage et ruse, poils, ailes ou coquilles. Il donnera le feu à l'Homme grâce auquel il pourra l'emporter sur les animaux.

Grâce à la pensée, l'homme augmente son savoir et par celui-ci accroît sa puissance technique de sorte qu'il peut faire face aux agressions naturelles et explorer l'Univers.

Grâce aux progrès dans la compréhension du Monde, les hommes ont l'espoir de se rendre comme « maîtres et possesseurs de la nature » ainsi que l'énonce Descartes dans le discours de la méthode.

L'homme a pu augmenter sa puissance physique face à la nature.

Il a réussi à augmenter de manière considérable et incessante l'espérance de vie , sa capacité à prévoir les catastrophes naturelles et à s'en prémunir. Il est même parvenu à transformer la nature elle-même notamment par des manipulations sur le patrimoine génétique des espèces vivantes, végétales ou animales voire humaines.


Pour beaucoup, l'Homme ne peut pas dominer la nature.

Qui pense ainsi?


Débat 15 minutes.

L'homme dit Spinoza n'est pas un empire dans un empire , ce qui signifie que dans le monde il n'occupe aucune position privilégiée.

La confiance en l'avenir se fait beaucoup moins triomphaliste qu'au XIX ème siècle.

Les effets pervers de la technologique font planer de nombreuses menaces sur l'avenir de l'homme et de la planète ( réchauffement climatique, guerre atomique ou bactériologique , OGM etc...).

Pascal dans la pensée compare l'homme à un roseau , le plus faible de la nature mais c'est un roseau pensant.
Il ne faut pas que l'univers entier s'arme pour l'écraser, une vapeur , une goutte d'eau suffit à le tuer .


Si la tradition biblique par exemple fait de l'homme le fruit le plus élevé de la création divine et seul être à l'image de Dieu dans un cosmos géocentré, si elle ordonne à l'homme de soumettre les animaux et de dominer la terre, elle rappelle aussi combien il n'est que poussière . Pascal explique que la puissance du corps de l'homme n'est comparable qu 'à celle d'une partie de l'Univers ,et même, comme il le précise , une particule à savoir une goutte d'eau de sorte que le combat est foncièrement inégal.

Pour Pascal, la pensée donne à l'homme non pas un surcroît de force mais de la noblesse , de la valeur et de la dignité.
L'homme doit penser son humilité. L'homme se sait mortel, il est conscient de sa fragilité.
Alors, chacun de ses actes, chacune de ses sentiments ont de la valeur pour lui.
Il peut s'efforcer vainement de se mesurer à la nature, ce qui selon Pascal serait stupide mais il peut exploiter le temps de sa vie à « bien penser » , à mesurer le prix des moments de son existence , de sa brève existence.

En dépit des progrès exponentiels des sciences et des techniques, la condition humaine reste celle d'un être fini qui condamne à la vanité les ambitions démesurées et les espoirs d'éternité.


Un philosophe trop peu connu mérite d'être cité. Il s'agit d' Hans Jonas qui, juif allemand, a dû quitter son pays à l'arrivée d'Hitler au pouvoir.

Dans son premier grand travail philosophique qu'il consacre à la gnose, il montra à quel point la civilisation occidentale, par la violence de sa technique, repose sur la dualité irréductible de l'esprit et de la nature, le premier devant soumettre et réduire la seconde.
Il met en garde contre la conséquence lointaine de cette position désastreuse qui devrait conduire à une catastrophe globale si aucune prise de conscience n'intervient pour y mettre fin.

C'est lui qui a le premier théorisé le principe de précaution. Devant une menace globale qui risquerait d'anéantir le cadre de vie ou la nature présente de l'homme, il est nécessaire de s'abstenir de faire ce qu'il serait techniquement possible de faire.






Le retour ou l'évocation d'un retour à un ordre naturel est- il forcément un progrès?

Débat.

Max Weber considère que le monothéisme et notamment selon lui le christianisme a désenchanté le monde le préparant ainsi à la maîtrise technique, à la connaissance scientifique et à l'exploitation économique.

A l'inverse des courants de pensée comme le Panthéisme ont divinisé la nature. Le panthéisme est la conception selon laquelle l'univers est de nature divine dans la moindre de ses parties.

Pour Rousseau, la nature a fait l'homme heureux et bon mais la société le déprave et le rend misérable.

Le siècle des lumières fut le grand siècle de la nature. Celle – ci apparaît partout et finit par qualifier tout, une certaine façon de concevoir le Droit, la religion, la loi , les sentiments et même la musique.
Le calendrier révolutionnaire, donnera de nouveaux noms aux mois en fonction des saisons et des champs.




Voltaire critiquera violemment la conception rousseauiste d'une exaltation de la nature.
Dans une lettre à Rousseau, il écrit « on n'a jamais employé tant d'esprit à vouloir nous rendre bêtes".
Il prend envie de marcher à quatre pattes quand on lit votre ouvrage.

Les cyniques tels Diogène pensent que la loi des hommes n'a rien à voir avec la nature des choses. Pour eux, à bas la loi et vive le retour à la nature.

Les stoïciens avaient pour devise « Vivre selon la nature » que ce soit sa nature ou la nature au sens d'ordre cosmique.

Certaines idéologie ont fait appel à un ordre naturel ou en un pseudo ordre naturel
Espace vital des nazis, eugénisme etc....

A l'inverse de cette apologie de la nature, Lacordaire disait , ce qui va à l'encontre de la sacralisation d'un ordre naturel, « Entre le fort et le faible, c'est la liberté qui opprime et c'est la loi qui affranchit ».

Pourrait-on dire, et ce n'est pas là du Lacordaire « Vive les renards libres et les poules libres dans un poulailler libre »?


Elisabeth Badinter pointe les dangers d'un retour à la nature qui est souvent prôné. Par exemple, pour elle, le militantisme pro-allaitement constitue le principal danger pour l'émancipation féminine et serait l'antichambre d'un retour de la femme au foyer.
Elle fustige par ailleurs ce qu'elle appelle l'éco totalitarisme.


Hegel, à l'inverse des romantiques, considère la nature non comme l'expression de l'esprit mais comme son aliénation.

A la différence de la plupart de ses prédécesseurs, Hegel ne croit pas à l'existence d'un droit naturel. Le droit est selon lui l'expression d'une liberté qui s'affirme contre et non dans la nature. La grandeur de l'esprit réside dans son caractère antinaturel.

Hobbes est l'auteur de la célèbre phrase « l'Homme est un loup pour l'Homme ».
A l'état de nature, l'homme n'est pas l'être de raison décrit par les stoïciens mais un être de passion violente.
Sans pouvoir pour les contraindre et les retenir, les hommes jouissent de cette égalité terrible , celle de donner la mort à quiconque, car ceux qui ne disposent pas d'une grande force physique peuvent toujours user de ruse ou de trahison.
Seule la puissance de L'État appelé, par lui le Leviathan peut permettre aux hommes de vivre ensemble.

Rousseau lui ne légitime pas un pouvoir absolu mais à l'inverse le pouvoir démocratique. Pour l'auteur du contrat social, le souverain, ce n'est ni Dieu, ni le pape ni le roi c'est le peuple.

Grâce au contrat social, la loi civile se substitue à la régulation spontanée de l'état de nature.

Il est possible de noter là une certaine contradiction chez Rousseau qui reconnaît que la régulation opérée par la nature ne peut suffire de loi et d'harmonie entre les hommes.

Pour Kant, « l'être humain n'est ni sociable ni complètement insociable. C'est ce dont rend compte l'oxymore « insociable sociabilité ».




La nature est-elle une illusion soit en tant qu'entité soit comme source ?

Débat

Une des questions philosophiques existentielles est de savoir si la nature est matérielle ou idéelle, c'est à dire découlant du monde des idées.
Pour Jean-Scot Erigène , grand philosophe du IX ème siècle carolingien , ce sont les choses qui sont issues des idées. Les ronds découlent des cercles de l'idée de cercle.

Il s'inspire des idées de Platon qui oppose dans le mythe de la caverne le monde sensible et le monde intelligible.

Pour Platon, le monde intelligible est une idée. Par exemple quand un menuisier fabrique un lit, il le fait d'après un modèle qu'il a dans sa tête. Selon Platon, ce modèle intelligible est une idée, c'est une idée de trop.

Pour Montaigne, les lois de la conscience que nous disons naître de la nature naissent en réalité de la coutume.

Pour Pascal, les hommes ont vite fait d'attribuer à une prétendue nature ce qu'ils ont eux – même inventé de façon plus ou moins arbitraire.



L'homme peut-il se libérer de la nature autrement que par la technologie?

Débat.

Pour Francis Bacon, auquel certains prêtent la paternité des œuvres de Shakespeare, « On ne commande à la nature qu'en lui obéissant ».

Cette phrase de Bacon signifie que , pour agir sur la nature, il convient tout d'abord de la connaître.
Ce n'est pas par exemple en rêvant comme Icare au vol des oiseaux que l'homme a pu s'élever dans les airs mais en dégageant les lois de la mécanique.

Comme Spinoza, d'Holbach pense que l'homme n'est pas un empire . Il n'y a pas d'extériorité par rapport à la nature. L'homme est à la fois formé par la nature et circonscrit par elle.

Le Bouddhisme ,ou du moins certains de ses courants, prône l'acceptation de la nature. On ne peut changer le monde mais la relation que l'on a au monde.

La Psychanalyse et la psychologie permettent d'essayer de comprendre les mécanismes inconscients ou sous-jacents qui exercent une influence sur les individus afin qu'ils puissent s'en libérer du moins dans une certaine mesure.

Spinoza l'évoquait déjà quand il disait que les hommes se trompent lorsqu'ils pensent être libres et cette opinion consiste en cela qu'ils sont conscients de leurs actions et ignorants des causes par lesquelles ils sont déterminés.

La Psychanalyse distingue l'être biologique de l'être social. Le conte « les trois petits cochons » est éclairant à ce sujet. Seul celui des trois qui a différé suffisamment le plaisir immédiat a construit une maison en dur qui résiste au loup. Cette explication provient du livre de Bruno Bettelheim " La psychanalyste des contes de fées".

A l'inverse, Desmons Morris dans son célèbre livre " Le singe nu" que l'on ne saurait trop conseiller de lire décrit l'espèce humaine à travers un regard d'éthologue c'est à dire avec le même regard que celui que l'on porte généralement sur les autres animaux.
Il démontre que des comportements qui paraissent relever de la Culture la plus éthérée découlent en fait de notre ascendance primate.
C'est donc une illusion, selon lui, de penser que l'on peut échapper à la nature.




En conclusion pensez vous que l'homme doit dominer la nature?


Débat.


Il serait peut-être intéressant de changer la perspective de la question et de ne pas penser en terme de domination.

Pour Bertrand Duhaime, l'hindouisme nous apprend qu'au lieu de disséquer la nature, l'être humain devrait chercher à comprendre sa relation avec elle. Ce que l'homme supprime de la Nature, il se l'enlève à lui-même. Et , à force d'affaiblir la pyramide subtile qui le soutient, il risque de provoquer son propre effondrement. Si l'homme respectait la nature,il en viendrait à ressentir une révérence pour tous les phénomènes de la vie quotidienne, même les plus simples. Car l'infini, l'Océan de puissance , qui est à l'œuvre à l'arrière plan de toutes les manifestations et phénomènes du monde naturel.

J'ai trouvé sur le net une très belle phrase qu'a écrite en 1998 dans un devoir de philosophie proche de ce thème Claire Hornung élève de Terminale ES à Thionville

" Nous savons que Faust a vendu son âme au diable en échange de la connaissance illimitée et du pouvoir technique qu'elle confère. Ne pourrait-on pas rêver d'un anti-Faust qui sacrifierait la technique à Dieu en échange de la redécouverte de son âme".

vendredi 7 janvier 2011

café citoyen janvier 2011

CAFE CITOYEN
Mardi 25 janvier 2010 à 20h30
10 thèmes proposés- 1 thème choisi à main levée par les citoyens présents.
Le bâton de parole règle le débat citoyen.
3 thèmes déjà proposés :
1. Comment créer le lien entre les générations ?
2. Peut-on se passer de la voiture en ville ?
3. Vivre au rythme de la saison ou autrement toute l’année ?

« le bistrot est le parlement du peuple »

Contact mail : comitecitoyen2010@gmail.com
Blog :http://comitecitoyen.blogspot.com
0495214475 BISTROT DU COURS/ 10 Cours Napoléon/ AJACCIO

Merci, à bientôt. Pascal